La plus ancienne et la plus importante activité du Val de Senones est l’industrie du bois.
En effet le bois, très employé d’une part dans la construction, était d’autre part l’unique combustible brut, soit carbonisé (charbon de bois) pour le chauffage, mais surtout pour alimenter les fours industriels (forges, comme à Framont, verreries, cristalleries, faïenceries, salines).
En grand nombre les habitants étaient occupés aux travaux forestiers : bucherons et charbonniers pour couper, brûler ou sagards pour scier, oualous pour flotter, voituriers pour transporter.
La forêt : une mutation au cours des siècles.
La forêt était omniprésente sur le territoire mais n’occupant que les pentes des massifs montagneux. Au-dessus, à partir de 600 m s’étendaient les chaumes : pâturages d’été. En dessous, champs, pâturages et vergers s’échelonnaient jusqu’au village. Les essences principales étaient le hêtre et le chêne, les sapins ou les pins à crochets ne se trouvaient dans les « basses » (vallées secondaires) humides et plus sombres. Une coupe ne se faisait que tous les 50 ou 30 ans. Cependant sous la principauté de Salm-Salm la demande industrielle augmentant pour les forges, cristalleries, verreries, faïenceries, le rythme s’accéléra jusqu’à 5 ans… menaçant son existence. L’arrivée de la houille lui permit de se régénérer. Les vastes forêts appartenant aux trois abbayes de Senones, Moyenmoutier et Étival ainsi qu’aux princes de Salm sont devenues forêts domaniales à la Révolution. Une partie de l’espace forestier a été transformée en forêts communales, avec le cantonnement des droits d’usage au XIXe siècle. Aujourd’hui six grandes forêts domaniales (du Val-de-Senones, des Bois Sauvages, de Celles, de Moyenmoutier, de la Côte de Repy et du Ban d’Étival) couvrent plus de 108 km2.
La culture intensive privée de l’épicéa fit son apparition pendant la guerre de 1914-1918 sous l’occupation allemande puis s’étendit dans les champs et pâturages après 1950 quand le fermier choisit définitivement de travailler à l’usine. Ce bois à la pousse rapide était essentiellement coupé en « bois de rape » pour être déroulé en pâte à papier. La pâte à papier venant actuellement du Canada, les épicéas ont grandi et ferment les vallées à la lumière et au soleil.
Cependant, la forêt des princes et des abbés devenue domaniale reste une belle forêt variée comprenant plusieurs zones Natura 2000 où sont préservés gelinottes, tétras, lynx et chiroptères forestiers ; et sillonnée par de nombreux sentiers de randonnée pédestre et cycliste.
Bucheronnage et sciage
Dès le XIème siècle, le commerce du bois, chênes et hêtres prend vigueur : pour le chauffage et la construction mais aussi pour la navigation. Le territoire porte toujours les noms de « côte des chênes » ou « faulx » et « folies » pour les hêtraies. Des chapelets de petites scieries sont installés le long des rivières comme le Rabodeau et la Ravine, au plus près du chantier de coupe, la marche, à chaque endroit où une prise d’eau permettait d’établir une chute de quelques mètres. Ces « scies » d’un mécanisme très simple, à haut fer, sont desservies par un seul sagard avec sa famille ; c’était encore une industrie à forme artisanale. La plupart de ces installations rudimentaires sont tombées en ruine mais il en subsiste encore quelques-unes.
Transport
Pour évacuer les bois coupés plusieurs techniques sont mises en œuvre :
– le tronc ou grume est poussé dans la pente : lançoir,
– ou descendu sur un traineau de bois : schlittage,
– chargé sur une charrette à traction animale au chargeoir : voiturage,
– jeté dans la rivière depuis toujours (aménagé par des vannes et des étangs pour en accroitre le débit) à buche perdue pour le bois de chauffage local, en flottes ou train de bois pour rejoindre la Mer du Nord.
Le flottage a été abandonné en raison des besoins en eau des usines et de la création d’autres moyens de transport plus rapides (route-rail).
Exemple de la vallée de Ravines
La vallée de Ravines, affluent du Rabodeau a été, dès le XIIIe siècle, sujet d’accord ou de mésentente entre les abbayes de Moyenmoutier, de Senones et les comtes puis princes de Salm.
Durant la belle saison, ces bois de compagnie, éloignés et souvent inaccessibles, sont exploités directement sur le lieu de coupe, la marche, et lancés dans les pentes vers de petites scieries de type haut-fer plus ou moins éphémères. Les buches ainsi sciées sont lâchées sur le rupt vers l’aval : c’est le boloyage.
Aux XVIIIe et XIXe siècle, l’exploitation forestière s’intensifie. Dès lors, l’aménagement du ruisseau devient un micro-système très perfectionné : tous les 400 mètres environ un barrage muni d’un passage, le pertuis, permet, dès que le niveau d’eau et le débit sont suffisants, d’envoyer les radeaux de planches, les bossets, réunis en train, en flotte, vers l’aval. A cela s’ajoute tout le système hydraulique propre à chaque scierie : canaux et étangs.
Ces scieries aux noms très imagés : Coichot, Feugotte, Cornarupt, Malfosse, Soudaine, Petits Souhaits, Brisegenoux, Prêtres, Barodet eurent une vie mouvementée : ouragan, feu, inondation, guerres…. Devenues désuètes, elles ne chantèrent plus après la deuxième guerre mondiale.
La construction de routes nouvelles et les progrès des moyens de transport ont permis d’installer à proximité des grandes routes et des gares de chemin de fer, des chantiers de grande envergure comme les Etablissements Gaxotte, installés près de la gare de Senones. Celle-ci s’établit à la suite des grands chablis de 1902 causés par la tempête qui, décima de nombreuses forêts de la région. Ce fut, avec le train, l’origine du déclin des petites scieries.
Aujourd’hui, Les Etablissements Roland Lemaire et fils, actifs depuis 1957 dans la petite scierie des Chavons à Moussey, ont aménagé et font tourner une des cinq plus grandes scieries d’Europe, dans le secteur d’activité du sciage et rabotage du bois, une des fiertés du territoire.